Pour gérer des risques plutôt que des catastrophes, il faut s’adapter aux changements climatiques. Maintenant.

Date 15 septembre 2021

Charles Brindamour, Chef de la direction, Intact Corporation financière
Blair Feltmate, Chef, Centre Intact d’Adaptation au Climat, Faculté de l’environnement de l’Université de Waterloo

Les efforts entrepris au Canada pour atteindre la carboneutralité sont d'une importance critique. Il est tout aussi important pour nous d’intensifier notre action pour nous adapter aux effets graves des changements climatiques que nous subissons aujourd’hui. La dernière décennie a été la plus chaude que le monde a connue au cours des 125 000 dernières années, et le Canada se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Selon des données préliminaires, la chaleur extrême a causé 70 % des décès soudains et inattendus recensés en Colombie-Britannique durant la canicule qui a étouffé cette province à la fin juin. Il nous faut déjouer les phénomènes météorologiques extrêmes plutôt que de continuellement les subir et nous en relever. Les gérer réactivement n’est pas une stratégie viable.

Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a produit des preuves irréfutables que les changements climatiques sont réels, causés par l’activité humaine et réalistement irréversibles. Fort d’arguments solides, le Canada est bien placé pour mener de front l’adaptation aux changements climatiques sur son territoire et sur la scène internationale lors de la COP26, le prochain sommet de l’ONU sur les changements climatiques qui aura lieu à Glasgow en novembre. Il faut que des mesures d’adaptation soient mises en place immédiatement et avec énergie pour limiter les effets désastreux des phénomènes météorologiques extrêmes.

La bonne nouvelle, c’est que le Canada a défini des orientations concrètes et efficientes pour atténuer les risques liés au climat extrême, comme les inondations, les feux de forêt et la chaleur.

Avec ces lignes directrices à notre disposition, l’heure n’est plus à la discussion. Une action immédiate est requise. Et cela n’incombe pas qu’aux gouvernements : il faut une action concertée à l’échelle de la société qui implique les gouvernements, les ONG, les entreprises et les citoyens. Nous pouvons tous poser des gestes concrets qui renforceront notre résilience aux changements climatiques.

1. Des infrastructures essentielles à l'épreuve du temps

Nos réseaux électriques et de distribution d'eau, nos routes et nos chaînes d'approvisionnement alimentaire sont des infrastructures essentielles dans notre quotidien, mais elles sont très vulnérables aux intempéries.

Une grande partie de ces infrastructures est sous-financée depuis des décennies et elle ne résistera pas à un événement climatique grave. Le Texas a connu cette situation en février lorsque la tempête hivernale Uri a laissé des millions de personnes sans chauffage, électricité ni eau courante. Cette crise aurait pu être évitée, mais des recommandations formulées il y a une dizaine d'années pour un événement semblable ont été ignorées.

Chaque dollar investi dans l'atténuation des catastrophes génère des économies de 6 $ sur les coûts futurs liés aux catastrophes. Des infrastructures résilientes aux changements climatiques pourraient faire économiser au Canada 4,7 milliards de dollars par année.

2. Construire correctement la première fois… et aux bons endroits

Il y a une idée fausse selon laquelle il est plus coûteux de construire correctement du premier coup. En fait, rénover ou reconstruire coûte beaucoup plus cher.

Nous savons mieux que quiconque ce qui se passe quand des collectivités construisent sur des zones inondables ou aménagent des terrains dans des milieux humides. Les recherches ont été faites et des solutions efficaces existent : le Centre Intact d’adaptation au climat a mis au point des stratégies pour aider les propriétaires d’habitations, les collectivités et les nouveaux projets résidentiels à réduire les risques d’inondations, et Intelli-feu Canada a développé des lignes directrices pour aider les collectivités à se protéger contre les incendies. Il faut que les autorités locales et provinciales adoptent ces solutions.

3. Utiliser les infrastructures naturelles comme première ligne de défense

Les forêts, les prairies et les milieux humides font plus que décorer le paysage. Ils aident à atténuer les inondations et à nous protéger contre la sécheresse. Ils éliminent les émissions de carbone, fournissent de l'eau propre et constituent un habitat diversifié pour les plantes et les animaux. Selon une étude menée conjointement par le Centre Intact d’adaptation au climat et le Bureau d’assurance du Canada, la préservation des milieux humides peut réduire de 40 % les coûts des dommages causés par les inondations.

Les infrastructures naturelles aident aussi nos villes à rester au frais. En milieu urbain, la lumière du soleil peut causer une hausse de la température pouvant atteindre 50 degrés à la surface des toitures et des routes, tandis que les surfaces naturelles restent près de la température de l’air ambiant.

On comprend alors pourquoi les infrastructures naturelles gagnent rapidement en popularité comme solutions d'adaptation de première ligne face aux changements climatiques. L'atténuation des risques liés aux changements climatiques, l'adaptation et les avantages économiques en font une valeur sûre. Il faut protéger les infrastructures naturelles que nous avons et restaurer ce que nous avons endommagé.

En 2021, les catastrophes naturelles montrent, à elles seules, l’importance de nous attaquer plus sérieusement à cet enjeu. On voit un certain progrès dans les annonces récentes des gouvernements et dans les mesures d’adaptation proposées par les partis politiques. Mais avec chaque jour qui passe, le problème s’aggrave et les solutions mises en œuvre deviennent moins efficaces. Pour combattre le changement climatique et assurer la sécurité de nos collectivités, il est essentiel de bien nous adapter aux phénomènes météorologiques extrêmes. La réussite dépendra de petits gestes que nous poserons collectivement et de la capacité des gouvernements à affecter les ressources et à mettre en œuvre des solutions éprouvées.

L’adaptation aux changements climatiques est impérative pour nos collectivités et passe par de bonnes politiques et des stratégies d’affaires réfléchies. Attendre n’est plus une option.

Publié pour la première fois le 12 septembre 2021 exclusivement dans un texte d’opinion du Globe and Mail.

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